Thèses soutenues

Linguistique

In my PhD thesis, I conducted an experimental, pragmatic investigation of the straw man fallacy, uncovering various factors that increase or decrease its acceptability. The straw man fallacy has two main characteristics: it misrepresents an opponent’s position in an argumentative exchange in order to refute their original stance. The straw man fallacy is a relatively recent addition to the list of fallacies, and none of the existing approaches have discussed the extent to which the formulation of the fallacy plays a role. My thesis addresses this gap by using insights from experimental pragmatics to examine how a straw man fallacy can be formulated to achieve greater or lesser acceptability. The first part of the thesis provides an overview of the primarily theoretical frameworks on argumentation, fallacies, and the straw man. This synthetic review lays out the research conducted in argumentation and the study of fallacies with a strong focus on modern approaches and the role of language within these approaches. The second part of the thesis discusses empirical methods in argumentation and leads the reader to the core part of the part of thesis, i.e., the discussion of several original studies assessing the role of different linguistic factors in the perception of straw men. The addressed factors include the role of causal connectives in French (puisque, étant donné que, vu que, comme) and other languages such as Spanish (ya que, puesto que, como), English (since, given that, as), and German (da), the influence of information structure (standpoint-argument vs argument-standpoint), the importance of the locus of misrepresentation (misrepresented standpoint vs misrepresented argument), and the perception of disagreement. Overall, the thesis demonstrates that there are certain linguistic choices that can influence the acceptability of a fallacious argument, such as the straw man.

DIDI – Discovering Discourse: The acquisition of discourse connectives in L1

Le projet Discovering Discourse (L1) étudiera l'acquisition des connecteurs discursifs par des adolescents francophones à travers une série d'expériences contrôlées. Ces expériences permettront d’observer l’acquisition progressive de ces connecteurs par des apprenants du français L1 et apporteront de nouvelles données sur l'acquisition de ces mots qui codent le sens procédural dans le lexique mental. 

Les connecteurs discursifs sont des éléments lexicaux qui rendent explicites les relations de cohérence entre les unités de texte ou de discours, telles que la cause ou la concession. Les connecteurs jouent un rôle crucial pour une communication verbale réussie, car leur utilisation adéquate aide les lecteurs adultes à traiter et à comprendre le discours. Les connecteurs sont toutefois particulièrement difficiles à maîtriser pour les enfants qui acquièrent leur première langue. Par exemple, plusieurs études ont montré que les enfants ne maîtrisent pas certaines relations temporelles véhiculées par des connecteurs fréquents (comme après) jusqu'à l'âge de 12 ans et on sait peu de choses sur l'acquisition ultérieure de connecteurs moins fréquents dans des contextes discursifs plus complexes pendant l'adolescence. 

L'objectif principal de mon doctorat est de combler le vide actuel dans la littérature entre les études sur des enfants plus jeunes et les études sur des adultes, en fournissant des données sur l'acquisition de connecteurs pendant l'adolescence. Pour ce faire, le projet se concentrera sur trois contextes discursifs dans lesquels la compréhension et le traitement des connecteurs sont particulièrement complexes : (1) lorsque les connecteurs sont utilisés en mode écrit ; (2) lorsque les segments discursifs sont liés par une relation de cohérence implicite ; (3) lorsque les relations discursives sont intégrées les unes aux autres. Ces trois contextes se produisent très fréquemment dans en mode écrit et il est important d'établir si et à partir de quel âge les adolescents peuvent gérer ces cas difficiles.

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DIDI – Discovering Discourse: The acquisition of discourse connectives in L1

The DIDI project will investigate the acquisition of discourse connectives by French-speaking teenagers through a series of controlled experiments. These experiments will shed new light on the acquisition path of first language learners and will provide new evidence about the acquisition of words encoding procedural meaning in the mental lexicon. 

Discourse connectives are lexical items that make explicit the coherence relations linking units of text or discourse, such as cause or concession. Connectives play a crucial role for successful verbal communication, as their adequate use helps adult readers with discourse processing and comprehension. Connectives are, however, particularly difficult to master for children acquiring their first language. For example, several studies have shown that children do not master certain temporal relations conveyed by frequent connectives like after until the age of 12 and little is known about the subsequent acquisition of less frequent connectives in more complex discourse contexts during teenager years. 

The main objective of my PhD is to fill a current gap in the literature between studies with younger children and studies with adults, by providing much needed data about the late acquisition of connectives during teenage years. In order to do so, the project will focus on three discourse situations in which understanding and processing connectives is particularly complex: (1) when the connectives used are restricted to the written mode; (2) when discourse segments are linked by an implicit coherence relation; (3) when discourse relations are embedded into one another. All three situations occur very frequently in written data and it is essential to establish whether and from what age teenagers can handle these difficult cases.

Ma thèse de doctorat est réalisée dans le cadre du projet Discovering Discourse (DIDI) de Prof. S. Zufferey financé par le Fonds National Suisse. Dans mon projet, je me concentre sur l'acquisition des connecteurs discursifs en français langue seconde.

Les connecteurs discursifs sont des éléments linguistiques qui encodent des sens procéduraux entre les segments d’un discours, c’est-à-dire des mots qui indiquent des relations de cohérence, comme par exemple une relation concessive ou une causalité (Sanders, Spooren & Noordman, 1992, Halliday & Hasan, 1976). Bien que ces mots représentent un outil linguistique extrêmement important pour assurer la cohérence tout au long d'un discours, de nombreuses études ont démontré que les personnes non-natives, même possédant une compétence linguistique très élevée, surutilisent, sous-utilisent ou utilisent mal les connecteurs discursifs (entre autres : Field & Yip, 1992; Lamiroy, 1994; Milton & Tsang, 1993; Granger & Tyson, 1996; Tapper, 2005).

Au cours de plusieurs expériences contrôlées, j’examinerai les facteurs qui empêchent les apprenantes et apprenants germanophones de maîtriser les connecteurs discursifs en français. Les facteurs présumés sont par exemple une charge cognitive élevée, notamment pour les relations de cohérence discontinues comme la concession (cf. Murray, 1997), ou des effets de transfert de la L1 (cf. Granger & Tyson, 1996). Sur le plan méthodologique, différentes approches seront effectuées avec des expériences en ligne, comme la lecture avec un appareil d’oculométrie, ou avec des expériences hors ligne, comme des tâches de jugement. En fonction des résultats des premières expériences des études subséquentes seront menées pour évaluer d'autres aspects de l'acquisition des connecteurs discursifs en L2.

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My doctoral thesis is being carried out within the Discovering Discourse Project (DIDI) of Prof. S. Zufferey, financed by the Swiss National Fund. In my project I focus on the acquisition of discourse connectives in French as a second language.

Discourse connectives are linguistic elements that encode a procedural meaning between segments of a discourse, i.e., words that indicate a coherent relationship, such as a concessive relationship or causality (Sanders, Spooren & Noordman, 1992, Halliday & Hasan, 1976). Although these words represent an extremely important linguistic tool for ensuring coherence within a discourse, numerous studies have shown that non-native speakers, even with very high language proficiency, overuse, underuse, or misuse these discourse connectives (among others: Crewe, 1990; Field & Yip, 1992; Lamiroy, 1994; Milton & Tsang, 1993; Granger & Tyson, 1996; Tapper, 2005).

In several controlled experiments, I will examine the factors that hinder German-speaking learners from mastering discourse connectives in French. Presumed factors include for example a high cognitive load, especially for discontinuous coherence relations, such as concession (cf. Murray, 1997), or L1 transfer effects (cf. Granger & Tyson, 1996). Methodologically, different approaches will be carried out such as online experiments, e.g. reading with an eye-tracker, or offline experiments, e.g. judgement tasks. Based on the results of the first experiments, subsequent studies will be conducted to evaluate other aspects of L2 connective acquisition.

Littérature

Les poèmes sur l’art au XVIIIe siècle : potentiels et perspectives

La poésie sur l’art au XVIIIe siècle est un type spécifique de l’écrit sur l’art qui connaît une phase d’intense publication en France au milieu du siècle. Ceci pour trois raisons principales : la réouverture des expositions d’art au Salon carré du Louvre en 1737 éveille un goût pour l’expérience esthétique. Deuxièmement, le phénomène de l’exposition publique est une nouveauté urbaine de prédilection pour la poésie. D’autant plus que la versification assure une transmission de connaissances au sein de la société sous l’Ancien Régime. Dans ce contexte, le discours poétique mobilise des stratégies d’appropriation et de diffusion du vocabulaire pictural. Comme l’indique le topos de l’ut pictura poesis, la peinture et son art sœur sont liés par une relation de solidarité. Celle-ci par contre, et c’est le troisième élément contextuel, ne s’est pas encore traduite au niveau juridique. Pendant la deuxième moitié du siècle, l’académie royale et l’ancienne corporation négocient le statut de l’artiste en fonction de son activité. Le savoir-faire pictural est soit considéré en termes d’art mécanique lié au monde roturier du métier, soit il est d’ordre intellectuel et sera donc rattaché aux arts libéraux. Ces trois circonstances coïncident avec la hausse de publication de poèmes sur l’art au milieu du siècle. La thèse en cours de rédaction s’intéresse à l’articulation de cet ensemble par la poésie, véritable ambassadrice de la nouveauté.

Le corpus poétique se situe à l’intersection entre littérature et histoire de l’art ce qui fait son originalité. La perspective interdisciplinaire se prête particulièrement bien, car la poésie du XVIIIe siècle avance par appropriation de nouveaux discours dans son répertoire. L’étude du phénomène du goût pour l’art peut clarifier ce processus d’incorporation poétique. Le questionnement du rôle de la poésie en tant que porte-parole d’un savoir-faire pictural mettra en évidence par quelles stratégies le poète relie doctrine pratique et libérale. Quel rôle le vocabulaire spécifique joue-t-il dans la poétisation de la peinture ? Comment la versification peut-elle embellir un art profondément voué à la beauté ? L’art de peindre dispose-t-il d’images à exploiter par l’art des vers ? Ces interrogations essayent de faire sortir la corrélation entre les circonstances externes et des aspects poétologiques.

Littérature et folie entretiennent depuis longtemps des rapports étroits. Le motif de la folie est d’un intérêt particulier pour les critiques littéraires, dans la mesure où il touche à la fois au langage, à la création, à la poétique, etc. Aristote aurait été le premier à se poser la question du lien entre le génie (la créativité) et la manie (la folie) [1]. Au fil des siècles s’effectue un changement de perspective autour de ce motif. Si, pendant longtemps, s’installe un voile ou un mythe autour de la folie, considérée en tant que prisme positif notamment pour la créativité, ou comme médium critique pour dénoncer certaines tares sociétales, peu à peu la folie intéresse en tant que maladie mentale touchant un individu. Ainsi, le thème de la folie a tendance à laisser la place à celui de la maladie mentale, dont le traitement, même dans la fiction, passe de considérations englobantes et souvent métaphoriques (dénonciation de maux sociétaux, vision exaltée de la folie) à une perception intime, clinique, et centrée sur l’individu. A l’ère hypercontemporaine, c’est cette tendance qui prévaut. Or ces manières spécifiques de représenter le personnage malade sur le plan mental et les thérapeutiques qui lui sont liées n’ont pas encore été traitées par la critique portant sur les littératures de langue française contemporaine. 

Aussi, tout en m’appuyant sur les travaux antérieurs sur la relation entre psychiatrie et littérature (Foucault, Starobinski, Rigoli), je me propose dans ma thèse d’examiner comment la maladie mentale est représentée et figurées dans quelques œuvres de fiction récentes liées à des régions diverses de l’espace de langue française : C’est vole que je vole (1998) de l’écrivaine martiniquaise Nicole Cage-Florentiny ; La mémoire de l’aile (2010) de l’autrice franco-ontarienne Andrée Christensen ; Le chant des ténèbres (1997) de l’écrivaine sénégalaise Fama Diagne Sène ; La maison des épices (2014) de l’autrice sénégalaise Nafissatou Dia Diouf ; Tête de tambour (2019) de la primo-romancière française Sol Elias ; Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin (2004) de l’écrivain haïtien Victor Gary ; ou encore Folie, aller simple. Journée ordinaire d’une infirmière (2010) de la romancière d’origine guadeloupéenne Gisèle Pineau. 

En partant d’un corpus de langue française diversifié, le but principal de ce travail est de questionner des représentations contemporaines pour étudier par quelles stratégies la maladie mentale est mise en scène, et quels sont les enjeux de telles représentations. Plus spécifiquement, il s’agit de dresser une poétique du récit de la maladie mentale sévère et, dans une démarche comparatiste, d’étudier les phénomènes d’interculturalité et de transculturalité qui la sous-tendent. D’une part, en effet, l’expression du trouble mental s’accompagne souvent de stratégies narratives diverses et singulières qui, par mimétisme, renvoient au trouble mental lui-même. D’autre part, si elles tiennent du choix d’une autrice ou d’un auteur, ces dernières sont aussi souvent liées à des conflits dans lesquels la dimension culturelle ou interculturelle entre en jeu – par exemple en opposant différentes « cosmologies » (au sens anthropologique). Le prisme interculturel permet donc d’interroger les différentes représentations fictionnelles du désordre mental. 

[1] Bühler, François, Les grands écrivains bipolaires, Publibook, 2018, pp. 37-38. 

 

Corpus :

  • CAGE-FLORENTINY, Nicole, C’est vole que je vole, Paimpont : Les Oiseaux de Papier, 1998. 
  • CHRISTENSEN, Andrée, La mémoire de l’aile, Ottawa : Les Éditions David, 2010. 
  • DIAGNE SENE, Fama, Le chant des ténèbres, Dakar : Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal, 1997.
  • DIOUF, Nafissatou Dia, La Maison des épices, Montréal : Mémoire d’encrier, 2014.
  • ELIAS, Sol, Tête de tambour, Paris : Rivages, 2019. 
  • GARY, Victor, Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin, La Roque d’Anthéron : Vents d’ailleurs, 2004.
  • PINEAU, Gisèle, Folie, aller simple. Journée ordinaire d’une infirmière, Paris : Philippe Rey, 2010.

Savants, hommes de lettres ou philosophes des Lumières ont souvent développé, à leur façon et de manière décousue, des conceptions de l’ascèse en tant que condition du développement des sciences, du progrès de l’esprit et de la raison. Ces pensées peuvent être intégrées dans des écrits savants ou philosophiques (articles de l’Encyclopédie, revues savantes, discours liminaires de traités scientifiques) mais aussi dans des romans ou des correspondances. Elles apparaissent dès lors que l’on s’intéresse aux notions de sobriété, de frugalité, de mesure, de renoncement, de solitude ou de silence telles qu’elles sont présentées dans des textes évoquant ce que l’on nomme par commodité le travail de l’esprit.

On montrera à travers une analyse littéraire – en cela qu’elle s’intéresse aux représentations – que parallèlement aux discours philosophiques et savants s’articulent des propos qui portent sur les conditions morales et sociétales du développement de l’esprit humain. On souhaite ainsi 1) examiner l’idée d’une épistémologie des Lumières fondée sur un idéal de mesure grandement décrit dans les littératures des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles (de Rabelais à Diderot) ; 2) montrer l’importance d’une lecture anthropologique de cette même littérature afin de bien comprendre certains questionnements épistémologiques et noétiques, notamment le rôle des sens pour le travail de l’esprit.